Valeur résiduelle : où en sont les véhicules électriques ?

L’appétence pour l’électrique se développe au détriment du thermique. Une transformation profonde du marché automobile qui a un impact sur la valeur résiduelle des modèles électriques et électrifiés. Entre élargissement de l’offre, baisse des prix du neuf et perturbations du marché de l’occasion, des experts des valeurs résiduelles véhicules confrontent leurs visions.  

« Valeur résiduelle : il faut prendre en compte l’écosystème serviciel du véhicule électrique »

Roberto Pestana, Expert Valorisation pour L’Argus

« Nous assistons aujourd’hui à la naissance et au développement d’un marché de l’occasion électrique. Ces derniers mois, les valeurs résiduelles des véhicules électriques ont beaucoup évolué car l’offre s’est étoffée. Les mentalités évoluent chez les particuliers. Quant aux entreprises, elles sont amenées  par la loi à migrer. Nous évoluons dans un monde binaire. Nous traversons une période de transition qui complique le calcul des valeurs résiduelles. 

Le dumping des mesures gouvernementales, de même que les restrictions de circulation dans les centres-villes, encouragent à l’adoption de motorisations électriques. Toutefois, nous disposons aujourd’hui de plus de recul sur l’évolution dans le temps de ces véhicules et des batteries par exemple.

Cela influence positivement les valeurs résiduelles que nous établissons en prenant également en compte l’accès à des réseaux de bornes de recharge rapide, par exemple. Une dimension d’écosystème serviciel qui n’existe pas sur les véhicules thermiques ». 

« Les freins à l’adoption de l’électrique tombent peu à peu »

Alexandre Mahé, Consultant Expert Automobile pour L’Argus

« Le contexte est compliqué car nous sommes confrontés à une désynchronisation du temps du marché, du temps réglementaire et du temps industriel. Cela génère une zone de flou. Auprès du grand public, les freins à l’adoption de l’électrique tombent néanmoins peu à peu.

« La durée de vie des batteries n’est plus un problème car elles sont garanties 8 ans. Le calcul des valeurs résiduelles ne dépasse pas cette échéance et, pour les véhicules les plus anciens sur le marché, aucun problème technique majeur n’a été révélé à ce jour.

D’autre part, des véhicules comme IONIQ 5 par exemple, avec son autonomie et sa capacité de recharge rapide, contribuent à rassurer. L’émergence de modèles vraiment polyvalents permet aux automobilistes de se projeter vers la mobilité électrique. Il existe cependant sur le véhicule neuf, une différence de prix encore trop importante entre électrique et thermique, souvent proche des 10.000€ à modèle équivalent. Une réalité qui fait parfois hésiter les particuliers et impacte nécessairement les valeurs résiduelles ». 

« Le volontarisme politique perturbe le marché »

Yoann Taitz, Directeur des opérations pour Autovista

« Le marché du véhicule électrique neuf décolle. Au-delà d’une volonté politique forte, c’est le sens de l’histoire. Toutefois, la part de marché du véhicule électrique neuf progresse de 8 ou 10% par mois. Sur le marché VO, l’augmentation est comprise entre 0,7 et 1% par mois. Les principaux freins à l’émergence d’un marché de l’occasion électrique, c’est d’abord le prix au catalogue neuf. Une difficulté qui peut être gommée grâce au leasing mais qui réapparaît sur le marché de l’occasion.

Sur le terrain, on constate une forte dépréciation de l’électrique sur une période de 12 à 36 mois. Cela s’explique notamment par la forte évolution technologique qui affecte ces véhicules. Je comparerai ce phénomène à celui qui affecte le marché des smartphones d’occasion. Toutefois, plus l’autonomie des véhicules électriques augmente et plus la charge est rapide, plus la dépréciation est contenue. Les valeurs résiduelles des véhicules électriques sont également impactées par un autre phénomène : l’offre sur le marché de l’occasion est supérieure à la demande. 

L’acheteur de véhicule d’occasion est un pragmatique. La volonté politique a oublié le consommateur final en faisant preuve d’un certain manichéisme. Une absence de vision à long terme qui dégrade la valeur résiduelle des véhicules électriques car, in fine, c’est l’acheteur d’occasion qui fait la valeur d’un véhicule ». 

« Le meilleur atout des VR : l’électrique n’est plus une option. Chacun devra y passer ! »

Laurent Queinec, CEO ExpertEye Group

« Ma mission de consultant ne fait pas de moi un coteur. Mais j’interviens auprès des constructeurs et des loueurs pour les aider à créer les conditions de valeurs résiduelles optimales. Ce que je constate, c’est que la 2è vague de véhicules électriques constitue désormais une alternative crédible au thermique et ceci vaut sur le marché du VO comme sur celui du VN.

Les autonomies annoncées répondent aux besoins de la majorité des utilisateurs et le principal frein à l’achat aujourd’hui, réside dans la faiblesse du maillage des infrastructures recharge. Pour les entreprises, il apparaît que sur une détention de 3 à 5 ans, les TCO de l’électrique et du thermique sont comparables. Mais les loyers des véhicules électriques sont aujourd’hui rendus compétitifs autant par les subventions gouvernementales que par les primes et remises des constructeurs et les valeurs résiduelles très « volontaristes ».  

Cependant, une autre réalité doit être prise en considération : l’électrique n’est plus une option. Chacun devra y passer et encore une fois, cela va concerner le VN et le VO! Il faut donc identifier les leviers de préservation des valeurs résiduelles. Je pense que temporairement au moins, les constructeurs vont limiter leurs politiques de remises et cela aura un effet vertueux sur la valeur résiduelle de l’électrique.

Bien sûr, il y a des inconnues, notamment sur l’acceptation du changement par les utilisateurs, sur l’évolution du prix des batteries des véhicules neufs, ou encore sur la nature et la durée des aides. Par conséquent, la vigilance sur l’estimation des valeurs résiduelles doit être de rigueur pendant encore trois à quatre ans ».