La norme WLTP va-t-elle accélérer la transition énergétique des flottes automobiles ?

Alors que la fiscalité flotte pèse déjà lourdement sur le coût de détention des véhicules, le législateur ne cesse de l’alourdir à coup de nouvelles réglementations, taxes ou autres normes. Une évolution en lien notamment avec le réchauffement climatique et la détérioration de la qualité de l’air, liés en partie aux impacts des émissions de CO2 ou autres particules fines. Face à ce contexte et afin d’éviter de payer chaque année un lourd tribut à l’administration fiscale, les entreprises ont tout intérêt à repenser leur Car Policy et à engager leur transition énergétique.

Éclairage avec Alain Guillemier, Expert en optimisation et gestion de flotte automobile, Aficar Mobility et Philippe Ambon, Associé chez Holson.

Avec la mise en place de la norme WLTP, les modes de calculs des émissions de CO2 des véhicules évoluent de manière peu favorable aux véhicules actuels de motorisations essence ou diesel. Pour ne pas alourdir leur facture fiscale, les entreprises pourraient bien engager plus vite que prévu la transition énergétique de leur parc automobile.

Que va changer la norme WLTP pour les entreprises ?

Alain Guillemier : La norme WLTP a pour vocation de remplacer la norme NEDC qui calcule les émissions de CO2 à compter de 2020. Avec cette nouvelle norme, les valeurs de consommation et d’émission à l’échappement des véhicules seront plus proches des conditions réelles d’utilisation que celles de l’ancienne norme NEDC. Les émissions de CO2 annoncées aujourd’hui par certains constructeurs pourraient en conséquence augmenter de 5 à 30 % en fonction des véhicules, pénalisant lourdement la fiscalité qui y est liée. Les entreprises doivent donc anticiper ce surcoût à venir qui pourrait être de 10 à 15 % selon les véhicules.

Avec la nouvelle norme WLTP, les valeurs de consommation et d’émission à l’échappement des véhicules seront plus proches des conditions réelles d’utilisation que celles de l’ancienne norme NEDC.

Comment anticiper cet alourdissement fiscal ?

Alain Guillemier : Certains gestionnaires de flotte envisagent ainsi de renouveler par anticipation leur parc automobile pour ne pas être trop pénalisés par les conséquences fiscales de WLTP. Que le renouvellement de leur flotte automobile soit anticipé ou pas, il est préférable, lors du choix des véhicules, que les gestionnaires de parcs se réfèrent d’ores et déjà dans un 1er temps à la norme NEDC corrélée (norme transitoire entre la NEDC et la WLTP) qui permet une approche approximative de la norme WLTP. C’est également l’occasion pour les entreprises d’envisager la transition énergétique de leur parc automobile en se tournant davantage vers des véhicules propres. En effet, il reste certainement de mauvaises surprises en matière de surcoût fiscal lié au passage du NEDC corrélé au WLTP.

L’offre des constructeurs est-elle prête pour accompagner les entreprises dans cette transition énergétique ?

Alain Guillemier : A ce jour, les constructeurs proposent déjà différentes motorisations qui répondent aussi bien aux enjeux fiscaux et environnementaux des entreprises qu’à leurs besoins en termes d’usages : véhicules 100 % électriques, hybrides, hybrides rechargeables, à pile hydrogène, mais également au bioéthanol E85, GPL ou encore GNV ou bio GNV. Si ces dernières ont le mérite d’exister, ces technologies d’avenir font cependant encore l’objet de nombreux débats, y compris chez les constructeurs. D’autant plus que si l’offre existe, elle n’est en revanche pas encore suffisamment standardisée pour justifier la mise en place des réseaux et infrastructures nécessaires à la recharge de ces véhicules. Le rôle des pouvoirs publics est, sur le sujet du développement de ces infrastructures réseaux, primordial. Justifier la mise en place de telles infrastructures réseaux suppose néanmoins que l’usage de ces véhicules se démocratise. À cet effet il est nécessaire que les grandes entreprises du privé et du public- et notamment celles qui ont une politique RSE avancée, montrent l’exemple ou du moins un intérêt certain pour ces véhicules propres, en les intégrant dans leur car policy.

Le rôle des pouvoirs publics est primordial.

Quels sont les freins qui subsistent ?

Alain Guillemier : Le marché des véhicules propres n’étant pas encore assez mature, leur valeur résiduelle (estimation par le loueur de la valeur à la revente du véhicule, sur le marché de l’occasion, à la fin du contrat de location) reste élevée, et impacte donc le montant de leur loyer. Les loueurs longue durée prennent en effet peu de risque sur les marchés dont ils connaissent mal l’évolution, comme cela peut-être le cas sur ces motorisations, ce qui explique ainsi le montant actuel des loyers de ces véhicules, plus élevé que celui des traditionnelles voitures thermiques. La baisse de ces coûts passera aussi par la démocratisation des usages de ces véhicules, le développement des infrastructures réseaux nécessaire à leur recharge ainsi qu’une politique fiscale incitative. Enfin, il est nécessaire que les constructeurs complètent leur largeur de gamme en matière de motorisations électrifiées.

Découvrez également l’interview de Alain Guillemier sur les sujets du poids de la fiscalité sur le TCO et des modes de financement du parc automobile